Fail management : Comment rebondir après un échec professionnel
- Qu’est ce que le Fail management ?
La notion du Fail Management ou Management de l’échec est une approche d’accompagnement de l’échec, qui a intégré le monde de l’entreprise depuis les années 2000. Des chercheurs américains en économie et gestion ont mis l’accent sur la relation entre l’échec et la réussite à travers des études et des analyses des situations d’échec et des personnes ayant vécu un échec dans leur vie professionnelle. En 2008, Philippe Rambaud, ancien cadre qui a connu la liquidation judiciaire de son entreprise, crée l’Association des « 60.000 Rebonds » pour accompagner les chefs d’entreprise post-faillite.
Pour la définir, il suffit de revenir sur les termes qui la composent : « management » et « échec ».
Le management fait référence à l’« ensemble des formules d’administration, d’organisation et de gestion de l’entreprise ». Et « échec » se définit comme la fin insatisfaisante d’une action ou d’une entreprise. Le management de l’échec reflèterait donc les techniques de gestion de l’échec, qui permettent de passer de la non-réussite vers le succès. D’une situation perçue comme négative vers une ouverture et un couronnement, positif par nature. Il s’agit là d’une nouvelle forme d’apprentissage ; l’apprentissage par l’échec, qui est une approche behavioriste (comportementale) enrichie d’émotions.
- Quels sont les avantages de ce concept ?
En Europe, l’échec et, surtout l’entrepreneur qui a connu l’échec, sont souvent sujets à la stigmatisation, au rejet et à la critique. Cette malveillance sociale est due aussi bien une relation négative à l‘échec qu’à une méconnaissance du rôle de l’échec dans le tissu économique d’un pays.
Durant de nombreuses années, des « success stories » ont été mises en avant et félicitées. Et aujourd’hui, c’est au tour de l’échec d’être mis au-devant de la scène. L’échec entrepreneurial commence à susciter l’intérêt, notamment au travers de son processus d’apprentissage. Ce phénomène génère souvent de la peur et c’est pourquoi il convient de le démystifier.
L’échec d’un entrepreneur penche à être considéré comme une opportunité d’apprentissage, un stimulus, susceptible de déclencher un processus d’apprentissage organisationnel et de changements stratégiques et opérationnels. Cette expérience d’échec est une occasion de délimiter le champ des actions aboutissants à un résultat positif de celles vouées à l’échec. En d’autres termes, il permet de ressortir les erreurs ayant causé le résultat et de dégager de façon plus précise les processus aboutissant à la réussite.
De plus, l’expérience de l’échec élargit l’horizon des opportunités à saisir et ouvre la voie vers de nouveaux projets et de nouvelles vocations plus ajustés aux besoins et aux moyens.
Sur base de ce postulat et afin de réformer la perception de l’échec, la Conférence FailCon a été créée en 2009 à San Francisco sous forme d’une journée destinée aux entrepreneurs, investisseurs, développeurs et designers d’entreprises technologiques. Ils y étudient leurs propres échecs et ceux des autres en vue d’en tirer des leçons et de maximiser les chances de succès futur. La partage des expériences permet d’atténuer le sentiment de solitude que les participants peuvent ressentir et de rendre possible la réussite et le renouveau.
- Quelles sont les étapes à suivre pour réussir son Fail management ?
Le processus d’apprentissage lié à l’échec est un processus parsemé d’émotions à gérer et d’actions à entreprendre.
Nous pouvons le résumer en 5 étapes essentielles :
- Développer sa conscience de soi et manager ses émotions : Il s’agit de se recentrer sur soi afin de déterminer les émotions et sentiments ressentis, l’impact des expériences vécues. Il est possible de faire appel au soutien de la famille et de prendre le temps de prendre soin de soi et de se faire plaisir. Cette prise de conscience permet de se ressourcer et mieux gérer ses émotions (peur, colère, tristesse…).
- Evaluer sa situation de manière objective : A chaud, notre réaction face à la situation est souvent démesurée. C’est pour cela qu’il est important de s’accorder un temps pour encaisser les nouvelles circonstances. Cela permet de se positionner de façon objective et réfléchie. Il faut faire son bilan personnel ressortant ainsi ses axes de force et d’amélioration et s’entourer d’experts coachs ou des psychologues pour se reconstruire. D’ailleurs, notre centre I PROGRESS (i-progress.ma), accompagne de plus en plus de personnes souhaitant une reconversion professionnelle en rasion d’un échec.
Bien sûr garder la posture professionnelle et de dédramatiser surtout en cas de départ d’une entreprise (maitriser ses élans et demeurer respectueux en toute circonstance) sont de mise.
- Benchmarker l’expérience : en s’imprégnant de l’exemple du FailCon, il est recommandé de trouver un espace où les témoignages d’expériences d’échec sont exprimés et toujours faire appel à des spécialistes en accompagnement pour se faire aider à diagnostiquer l’expérience et ressortir avec des méthodes tangibles pour rebondir…
- Décider pour de nouveaux objectifs : comme dit précédemment, l’expérience d’échec est significative aussi de passage vers de nouvelles voies. Il est crucial de délimiter à nouveau ses besoins professionnels et de dégager des ouvertures de renouveau que ce soit en termes de carrière ou de création d’entreprise. Un passage chez un spécialiste dans les bilans de compétences s’avère nécessaire.
- Agir : Il s’agit de réaliser un plan d’actions permettant d’aboutir aux nouveaux objectifs définis. Il est probable de faire appel à l’acquisition de nouvelles compétences via des formations ou en renouvelant sa recherche d’emploi via un processus clair et bien étudié (Un coach peut également soutenir dans cette phase).
Il est possible également d’anticiper l’échec en envisageant au lancement des actions entreprises des alternatives de secours. Comme en stratégie de guerre, des options pour contrecarrer la chute sont fondamentales.
- Quelles sont les difficultés que rencontrent les salariés et les entrepreneurs lors de leur «rebond» ?
Il est clair que notre relation à l’échec est déterminante dans le « rebond » que nous souhaitons opérer.
La première difficulté qui peut s’annoncer dans cette situation est le refus et le déni de l’échec. Cet état provoque une fermeture chez la personne et un emprisonnement dans une zone de confort qui bloque l’épanouissement de la personne et limite les possibilités et chances de sa progression et de son champ de vie même. Ne l’oublions pas, notre perception de l’échec conditionne aussi notre image de nous-même (honte face à l’échec ou fièrté d’avoir saisi cette chance et pris l’initiative).
S’ajoute à cela, la réaction de notre entourage face à notre expérience, qui parfois peut s’avérer destructrice. Comme nous l’avons mentionné, le soutien de notre famille et de nos proches est assez vital dans les situations d’échec.
Un autre obstacle que nous pourrons citer est le financement difficile. Les entrepreneurs ayant expérimenté l’échec se retrouvent souvent face aux refus de se faire financer une seconde fois par les banques. Souvent les établissement de financement perdent confiance en ces entrepreneurs et rejettent les demandes de financement.
- Au Maroc, le Fail management est-il pratiqué ? Par qui ?
Actuellement, cette notion de management de l’échec est encore quasi-absente dans le monde des affaires et professionnel marocain. La peur de l’échec et le jugement négatif que les gens peuvent avoir de cette expérience rend la pratique de cette approche encore difficile. Nous demeurons optimistes au vu de l’évolution des tendances managériales et des demandes croissantes que nous avons en tant que Centre d’accompagnement (I PROGRESS Centre Maroc) liées au besoin d’accompagnement à la suite d’un échec.
- Comment l’échec est perçu par la société marocaine, quand on sait qu’aux USA il est porteur de succès et plutôt bien perçu ?
Notre culture s’inspire principalement du système français. Ce dernier a une relation négative à l’échec. Et cela se reflète même sur la vie de nos jeunes et des étudiants. Aujourd’hui, notre société est tellement dans l’éloge de la réussite qu’elle dénie et rejette complétement l’échec. Et cela bloque de graduellement les initiatives chez nos jeunes et crée une sorte de paranoïa chez eux en recherche perpétuelle et obsessionnelle de réussite. D’ailleurs, aujourd’hui de plus en plus de jeunes consultent des spécialistes en accompagnement et des psychologues en raison de l’angoisse de la performance qui s’est installée comme nouvelle règle sociale. Et ceci est extrapolé au monde professionnel. Et cela empêche de voir à quel point l’échec peut être bénéfique et même source de créativité.
Contrairement, le modèle anglo-saxon est plutôt dans l’encouragement de l’expérience quelle qu’elle soit : d’échec ou de réussite. Elle est porteuse de sens et donneuse d’élan. Aux Etats-Unis, ils ont compris que « trébucher est la condition sine qua non du succès ».
Nous sommes et restons positif quant aux possibilités qui s’offrent à nous marocains à travers la mondialisation des approches managériales, les prises de conscience que nous faisons régulièrement face à des concepts et des perceptions déformées et faussées que nous pouvons en avoir. Il va sans dire que l’implication professionnelle au Maroc de jeunes formés aux USA et au Canada permet aussi d’instaurer de nouvelles approches et d’adopter de nouvelles méthodes constructives.